vendredi 8 novembre 2013

Psychotherapies ordinaires en eBook


 

J’ai mis dans ce blog il y a quelques temps déjà déjà des fragments de psychothérapie d'enfants. L'idée était de rendre compte du travail ordinaire d'un psychothérapeute d'enfant.

Je souhaite publier ces textes dans un eBook pour plusieurs raisons. D'abord parce que je n'ai jamais fais de eBook et j'aime expérimenter de nouvelles choses. Ensuite, parce que ce format permettra de toucher davantage de lecteurs. Le livre sera mis en ligne en Free 2 Pay

La première étape est de corriger les coquilles du texte. Je suis trop proche du texte pour pouvoir les repérer. Aussi ai je besoin de votre aide. Il faudrait deux trois relecteurs patients pour faire ce travail de relecture

 

Vous êtes partant ? Un Google doc vous attend !

samedi 22 septembre 2012

Je suis un arbre

L’enfant est occupé à une grande affaire depuis quelques séances. Avec de la pâte à modeler, il façonne un arbre. Le faire tenir debout lui a pris beaucoup de temps, et même encore il arrive que l’arbre vacille et tombe. Mais l’enfant ne se décourage pas. Il sait que c’est une grande affaire que de grandir.

Au sommet de l’arbre, vient un nid, des œufs, et un oiseau. L’arbre porte fruits, et à ses pieds, un renard les regarde avec gourmandise. Les fruits sont bien attachés, et une impression de tranquillité et de force se dégage de l’ensemble de la scène. A coté de l’arbre, se construit une cabane. De larges feuilles sont apposées sur une charpente. Lorsque le toit est achevé, l’enfant hésite un peu : s’il enlève la charpente, est ce que le toit va tenir ? Il se risque. Le toit tient.

Tout à coup, l’enfant s’écrie : “Je suis arbre. Il faut bien que ça donne quelque chose, un arbre”. Il est joyeux, et rit de la scène qu’il a construit. Le psychothérapeute est frappé de ce que l’enfant vient de dire. Il a pensé quelques temps avant la séance à la symbolique de l’arbre et de la cabane. Il était avec Cyblèle et Attis, Bachelard, Elliade. Voici que l’arbre immense étend ses branches et couvre la psychothérapie.

Il nourrit l’enfant et le thérapeute. Ses fruits sont pour ceux qui s’avent s’élever comme pur ceux qui savent attendre.

lundi 9 avril 2012

Moi, une ombre

L’enfant a disparu sous la table et le psychothérapeute sent grandir en lui la figure du Capitaine Achab. C’est une figure qu’il connait bien et qu’il a même appris à aimer même s’il n’en aime pas les aspect piquant. Il observe en lui une autre figure grandir. la table est un éléphant et il a en tête les images, qu’il trouvé émouvantes, des petits pachydermes sous les ventres énormes de leurs mère.

Lorsque l’enfant émerge de sous la table, la surprise est de taille. Il a barbouillé son visage de feutres. Le rouge, le vert, le noir soulignent ses lèvres. Le thérapeute réprime un mouvement de frayeur. Le visage de l’enfant est tout simplement hideux. “Regarde !” lui dit-il, mais le psychothérapeute ne voit que le sourire terrible du Joker. L’enfant, lui, est heureux. “J’ai fait comme maman”. Il déambule fièrement dans le bureau, les jambes raides, avec un air profond et grave.

“Il me faut un miroir” décide-t-il. Il cherche l’objet dans le bureau, ne le trouve pas. Il s’attarde un moment devant e psychothérapeute. Il ne trouve toujours pas son miroir. Puis, soudain, il le trouve. Un pâle rayon de soleil a pénétré par la fenêtre, et projette son ombre sur le mur blanc. Il se campe devant et réajuste son maquillage. “Voilà !” dit-il satisfait.

samedi 24 mars 2012

Barbouillages

L’enfant glisse sous la table en jetant un dernier regard au psychothérapeute. Seule sa main est restée en arrière et tâtonne sur le plateau. Elle agrippe le pot de feutre et l’emporte avec elle. De l’enfant, le psychothérapeute ne voit plus rien. Ou plutôt, il ne voit que trop bien un enfant. Il le voit gribouiller sur son mur. Les bruits qu’il entend ne le rassurent pas. Il sent viscéralement la pointe du feutre sur le papier peint blanc. Les “je ne fais rien” que claironne l’enfant de temps à autre ne le rassurent pas. Quelque part en lui s’écrit le mot “DENEGATION” mais il n’a pas envie de suivre ce fil. Il remarque aussi l’excellent timing de l’enfant. A chaque fois qu’il est sur le point de se lever et de mettre fin à cette… à cette quoi ? à cette chose, l’enfant claironne “je ne fais rien”, le mot DENEGATION s’allume, et … Le thérapeute pense maintenant à la triade dont parle Jacques Lacan mais l’échappée par l’intellectualisation ne fonctionne pas. Non, c’est plutôt le visage grimaçant d’un enfant qui s’impose. Les bruits de feutre emplissent sa tête, son esprit. Le mur, son mur, doit être dans le même état ! Il visualise l’avancée des barbouillages, le bleu, le vert, le rouge, mélangés en une chose maronnasse, s’étendant sur le mur sous la table. Bientôt, il en est sûr, l’enfant n’aura plus de surface libre, et il faudra qu’il sorte de la protection de la table. Il en est là dans ses réflexions lorsque la fin de la séance les saisit tous les deux. Il se lève. L’enfant sort précipitamment de sous la table, les mains pleines de feutres. “J’ai rien fait” dit-il et il décampe sans qu’un “au revoir” puisse être échangé.
Le psychothérapeute revient avec un seau et un éponge. L’encre est encore fraiche, les feutres sont des feutres à l’eau, et peut-être pourra il limiter suffisamment les dégâts ? Il se glisse sous la table. Il découvre une feuille, barbouillée de toutes les couleurs. Le mur est d’un blanc immaculé. Une petite inscription semble clignoter. De son écriture rendue malhabile que les irrégularités du papier peint accentuent encore, l’enfant a écrit son nom : SAMMY.



dimanche 28 mars 2010

Les camions de pompier

L'enfant raconte : des camions de pompiers, des grandes échelles, des enfants que l'on sauve au risque de sa vie, une vie une vie, sinon y reste, des voitures que l'on découpe, des corps que l'on extrait, des têtes que l'on coupe, des corps que l'on ne reconnaît pas. L'enfant raconte. "Etre JPV" : "jeune pompier volontaire" lui traduit-on. L'enfant raconte. Et le thérapeute s'endort. Il s'endort de ce sommeil qu'il connait et qui lui annonce l’effet de certains mécanismes de défense qui l’éloignent de la périphérie de lui même Il s'endort et il lutte avec culpabilité contre ce qui l'engourdit : les pompiers, les scies énormes tout cela pourrait lui évoquer quelque chose ! Mais rien, il est pris dans cet torpeur qu'il reconnaît bien et qui lui annonce du trop peur. Il lui vient juste qu'avec ces histoires, l'enfant souhaite le protéger. L'enfant raconte. Il sera pompier : d'ailleurs, il a déjà sauvé quelqu'un. Il a sauvé son petit frère d'un autre qui le menaçait. Et c'est là, dit, l'enfant, c’est là qu'est arrivé le drame. Le thérapeute est alarmé. Eh bien le drame, dit l’enfant, c’est que j’ai été violé. L'engourdissement a cédé, et le thérapeute maintenant ne dort plus : il est en plein cauchemar. L'enfant raconte. Et il a perdu le masque jovial du début et les flammes qui les dévorent tous deux maintenant sont maintenant d'un feu glacé. L'enfant raconte : s'il "le" rencontre et qu'il recommence. Et il s'étonne : en plus, une autre fois, ça a recommencé : j'ai été violé une seconde fois. Le thérapeute perd pied et est emporté par l’angoisse et le désespoir. Pour la première fois, il a peur de commencer une psychothérapie. Pour la première fois, il a peur de cette descente aux enfers que l'enfant lui annonce. Il a peur de ses yeux durs, de ces poings qui se ferment, il a peur de ces paysages dévastés et brûlés, il a peur de cette image de lui que l’enfant lui tend.

samedi 21 novembre 2009

L’enfant a des difficultes a apprendre

L'enfant a des difficultés à apprendre. Cela date "depuis toujours" raconte la mère. Et elle se souvient de cette première journée de classe où il avait tant pleuré, et où elle avait du partir en courant pour ne pas qu'il voit ses larmes. "Un déchirement" dit elle. Qui lui en évoque un autre. La décision, prise rapidement, dans une sorte d'urgence, de partir. C'est qu'il la battait "depuis toujours" c'est à dire depuis que l'enfant est né. Auparavant tout était "parfait", puis l'enfant, gros de coups, est arrivé. Les coups ont duré 8 ans. Pour tout : le repas froid, ou trop chaud, ou la maison mal tenue, ou un regard mal posé, un pleur d'enfant Elle ne sait pas pourquoi elle est partie au bout de 8 ans. Elle y pense parfois, et se demande "pourquoi pas 4 ou 10, ou dès le premier coup ?" et conclut : "j'aurais pu y être encore", qui est entendu comme un "j'aurais pu y rester". Elle raconte encore la peur, une fois la décision prise, peur de ne pas suivre son idée, le rassemblement des affaires, l'enfant dans la voiture, la route, la nuit, puis la journée, et l'arrivée ici, c'est-à-dire nulle part pour elle. La recherche d'un foyer, la découverte de ce foyer, et la tentative d'un nouveau départ.

samedi 24 octobre 2009

Je peux avoir ma chemise ?

 

L'enfant entre dans le bureau et demande "je peux avoir ma chemise ?". C'est presque un rituel, maintenant, cette entrée en matière et cette demande. Et comme il en a maintenant l'habitude, il continue son dessin. Au début, c'était juste le plan de sa classe "comme ça tu va voir ou est ma place", et puis le plan a débordé : dans la cour de récré, dans les couloirs, dans la rue en face de l'école. Il a suivi, semaine après semaine, le trajet école - maison. Le thérapeute a regardé tout cela, avec plaisir au début - une histoire de place, on y reconnaît ses petits - puis avec quelques inquiétudes - qu'est-ce qui va contenir ce dessin qui déborde d'une feuille à l'autre ? Il a été tenté d'interpréter, mais l'enfant ne lui laissait pas... la place ! Si les feuilles se couvrent d'un trajet, la séance ne désemplit pas de sa voix "et puis tu vois, là, il faut tourner ici, et là il y a un trottoir comme ça..." Et interpréter sur quoi ? La chemise ? La place ? Ce qu'il ressent comme invasion ? Et en quoi cela aiderait l'enfant ? Et puis, l'enfant a trouvé sa place dans la thérapie. Et le thérapeute aussi. Un jour, l'enfant a eu une demande différente :"Je peux voir mes anciens dessins ?" Il les regarde gravement, les commente, n'en reconnaît pas certains. Le thérapeute demande :

- Te souviens tu, comme tu parlais beaucoup et vite alors ?

- Ah ça oui !

- Je me demandais pourquoi

- J'avais peur