samedi 31 mai 2008

Victor en amérique

Au milieu de l’été 1800, celui que l’on appelait « l’enfant sauvage de l’Aveyron » est confié à l’abbé Sicard. Le cas passionne les académies, car on y voit l’opportunité, offerte par le hasard, d’étudier la nature humaine et plus précisément de confronter les théories philosophiques de l’époque qui oscillent entre le rationalisme classique – que l’on peut ramasser en un « tout est inné » -et l’empirisme – le développement se fait à partir d’une tabula rasa. Les moralistes sont tout autant intéressés : voilà, (croit on) un enfant élevé en dehors de toute influence humaine, et l’on verra s’il penche naturellement vers le mal ou le bien.

L’abbé Sicard fait appel au chirurgien Jean Marc Gaspard Itard (1774, 1838) pour s’occuper de l’éducation de l’enfant. Celui-ci n’hésite pas a s’opposer à l’autorité d’un Pinel qui avait déclaré devant la Société des observateurs de l’homme en novembre 1800 que l’enfant présentait un idiotisme impossible à soigner. S’inspirant de Condillac et de Locke, Itard se fait fort d’éduquer l’enfant sauvage à l’aide d’une « orthopédie mentale » visant à éveiller le langage et la conscience.

Victor quittera l’institution de l’abbé Sicard pour l’impasse des feuillantines où il y reçoit une éducation spécialisée. La méthode de Itard ne donne pas les résultats espérés. Mais en ce début de dix neuvième siècle, avec ce premier traitement d’un enfant, Itard participe, avec d’autres, à la mise en place de traitements psychologiques des maladies mentales.

En 1837, son élève, E. Seguin, ouvre une école pour idiots à l’hôpital Bicêtre. Il fera, sept ans plus tard, devant l’Académie des sciences, un bilan élogieux de ses propres travaux. Lorsque, pour des raisons politiques, il est obligé d’émigrer pour les Etats-Unis, il y est accueilli par Wilbur qui a pris connaissance de ses travaux et a ouvert trois écoles qui s’en inspirent. Il y meurt en 1880. En Europe, la psychologie commence a s’extraire de la philosophie et bientôt, du refus de l’hypnose va naître la psychanalyse. Entre les deux, comme une charnière, la théorie de J. H. Jackson que Th. Ribot reprend en 1881 : la psychopathologie réalise une désagrégation des fonctions psychique dans l’ordre inverse de leur mise en place ; le nouveau périt avant l’ancien.

En 1894, E. Witmer succède à Cattel à la Pennsylvania University et y enseigne la psychologie de l’enfant pendant un an. Deux ans plus tard, un instituteur propose à E. Witmer d’étudier le cas d’un enfant incapable d’apprendre l’orthographe. Depuis le geste princeps de Itard, les choses, en moins d’un siècle, ont bien changé. Claude Bernard a affirmé l’identité fondamentale du normal et du pathologique (1865), la psychologie de l’enfant s’est développé depuis les premières observations de W. Preyer à Iéna, Taine a proposé une étude du primitif, du malade et de l’enfant, et partout s’élèvent des voix affirmant l’importance du développement affectif de l’enfant (Ribot, Janet, Freud).

lundi 19 mai 2008

Le soin donné aux enfants

Les adultes sont longtemps restés assez inactifs face aux souffrances des enfants. Il faut, par exemple, attendre 1857 pour les conséquences psychologiques des viols sur les enfants soient décrites par Auguste Ambroise Tardieu dans son Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs. Entre la loi de l’Habeas corpus du parlement anglais (1679), et la Déclaration des droits de l’enfant (1959) qui proclame le « le droit à une enfance heureuse »  plus de 300 ans se sont écoulés  durant lesquels les législateurs ont mis en place une série de dispositions visant à protéger, éduquer, instruire et soigner les enfants en prenant de mieux en mieux en compte ce que la situation de petite personne peut avoir de spécifique. Des institutions et des professions spécialisées ont été crées pour répondre à ces besoins.

C’est ainsi qu’en 1760 l’Abbé de l’Epée ouvre une classe pour sourds-muets. Il y enseigne aux enfant une langue gestuelle universelle et travaille au dans laquelle il enseigne une langue gestuelle qui se veut universelle. Il fait partie de ces précurseurs qui travailleront dans l’idée que des personnes considérées comme « idiotes » ou « irrécupérables » peuvent non seulement voir leur situation améliorée grâce à la médiation appropriée mais que ces personnes disposent d’un monde intérieur identique à celui de tous les autres En 1791, l’Assemblée Nationale le fait Bienfaiteur de l’humanité, et décide que les sourds bénéficient des Droits de l’homme

La classe de l’Abbé de l’Epée se développe considérablement. Elle devient Institut des Sourds de Naissance en 1791, et l’Abbé Sicard en assure la direction. Au milieu de l’été 1800, ce dernier se voit confier un enfant très particulier : Victor

mercredi 14 mai 2008

La séance de psychanalyse

La séance de psychanalyse est un lieu et un moment dans lequel chacun est invité à se dégager ces parts de mensonges que nous présentons aux autres et à nous-même. Il ne s’agit pas de s’en débarrasser : elles nous sont utiles et même nécessaires pour vivre au contact des autres. Par exemple, nous sommes amené quotidiennement à dire « bonjour » à des personnes à qui nous ne souhaitons rien de bon et « au revoir » à des personnes que nous ne souhaitons pas revoir de sitôt.

Lorsque nous sommes au cinéma, nous pouvons, en levant les yeux, voir les faisceaux de lumière qui dessinent sur l’écran l’image cinématographique. En nous détournant de cette image nous pouvons remonter les faisceaux jusqu'à leur source. Le travail proposé en psychanalyse est comparable à ce mouvement. Il s’agit de comprendre comment les fils associatifs s’entremêlent pour former une image finale, comment la matière première du psychisme s’agrége et forme pensées et émotions. Au gré du travail thérapeutique, la mise au point se fait plus ou moins près la source lumineuse. Ainsi, peu à peu, patiemment, l’image sur l’écran peut être décomposée, décondensée, et le monde psychique du patient apparaît dans toutes sa complexité. Ou peut être faudrait il dire les mondes, car l’image finale est composée de la superposition d’une succession d’images

Mais ce qui intéresse psychanalyste et patient, c’est moins la source de l’image que la machine qui les produit : l’appareil psychique. Pour cela, l’analyste dispose de deux choses. D’abord de l’attention flottante, qui lui permet d’être également attentif à tout ce que manifeste le patient. Ensuite, de son propre appareil psychique dont il prête une partie de fonctionnement au patient. C’est sur lui que s’appuie, par projection et identification, l’appareil psychique du patient. Et c’est par les échos que les dires et les silences de son patient provoque en lui que le psychanalyste se forme une représentation de son fonctionnement inconscient. Ainsi, le dispositif psychanalytique prend en compte le fonctionnement des deux protagonistes, dans leurs fonctionnements conscients et inconscients. La profondeur de champ que le psychanalyste peut mettre à disposition de son patient dépend de sa formation personnelle. Plus son analyse aura été féconde, plus il pourra mettre son fonctionnement psychique au service de son patient.

vendredi 9 mai 2008

Ecrire l'ordinaire

J’aimerais dire que c’est d’abord à ce public que j’ai pensé pour lorsque j’ai écrit ces « ordinaires ». Il n’en est rien. Je les ai écrits d’abord pour moi, pour m’aider à sortir du tumulte, de la sidération, ou de la séduction qu’opérait et qu’opèrent encore sur moi certaines séances et certains enfants. Je les ai écrits ensuite parce que la fréquentation du newsgroup fr.sci.psychanalyse m’avait fait comprendre à quel point les idées sur la psychanalyse pouvaient être éloignées de ce que le praticien peut expérimenter au jour le jour.

Pourquoi "ordinaire" ? Parce que ce écouter, recevoir des enfants présentant des difficultés psychologiques est l'ordinaire des psychothérapeutes. Certes, chaque psychothérapie est unique, dans les difficultés qu'elle pose ou qu'elle dénoue, dans les angoisses qu'elle rencontre. Mais ce que rapporte chaque patient, c'est son ordinaire. Ce sont des angoisses quotidiennes, ses incompréhensions, ses fantasmes ou ses incompréhension à penser, à rêver... C'est ce qui lui est habituel. Chacun est, dans ses symptômes, aussi difficiles puissent ils être à vivre, comme dans de vieux habits.

Il y a ensuite un régime ordinaire de la psychothérapie. L'enfant sait que le mercredi et le vendredi, il a rendez-vous. Là aussi, il prend ses habitudes, ses marques. Il a sa façon d'entrer dans le bureau, et celle d'en sortir. Certains attendent qu'on leur ouvre la porte - mais n'est ce pas la le métier du thérapeute ? Aider à ouvrir des portes ? - d'autres précédent le thérapeute et s'enferment dans le bureau. La fin du rendez-vous donne parfois lieu a des fuites éperdues, laissant au thérapeute le soin de ranger le chaos méticuleusement semé pendant la séance.

Cet ordinaire, des entrées, des sorties, de ce qui se produit dans la séance, est  le coeur de la psychothérapie.

 

jeudi 8 mai 2008

Comment rendre compte d'une psychothérapie ?

Comment rendre compte du travail de psychothérapie et de cette psychothérapie qu’est la psychanalyse ? Comment rendre compte de ces univers théoriques si complexes, de ces galaxies de pensées échangées et tues, de ces moments d’exaltation ou de profond désarroi que psychothérapeute et patient échangent, évitent, parlent ? Comment rendre compte de ce travail lorsque le psychisme du patient est encore en pleine formation ? Des livres remarquables existent déjà comme le Psychanalyse d'un enfant de Melanie KLEIN publié en 1961. On peut y suivre le travail de la psychanalyste séance après séance, et avoir ainsi une sorte de radioscopie de ce que peut être une psychanalyse avec un enfant. Plus près de nous, La petite "Piggle" de D. W. Winnicott (trad. fr 1988) est organisé sur la même logique : le compte rendu des séances, et le commentaire qu’en fait après coup le psychanalyste. Le spécialiste s’y reconnaîtra sans aucun doute, il pourra, identifié a l’auteur, se dire qu’il aurait lui aussi « fait » ou « donné » cette interprétation, ou il s’étonnera de l’idée qui est venue à ce moment à l’esprit de son collègue. Mais le parent, l’éducateur qui accompagne l’enfant à sa thérapie, ou simplement la personne curieuse de ce type de traitement risque de se décourager devant la somme de connaissances théoriques nécessaires à la compréhension de ce type de livre. Plus ennuyeux encore : il risque de ne pas percevoir l’expérience de rencontre interhumaine qu’est une psychanalyse d’enfant.