dimanche 23 août 2009

Vous devriez aller voir M. Machin

Le thérapeute est entré. On l'a appelé : "vous devriez aller voir M. Machin". Alors il y est allé. On l’a conduit au travers de couloirs et de portes. Puis de nouvelles portes et de nouveaux couloirs. Il croise des hommes. On le regarde, on s'interroge : est il avec nous ? Ou avec les autres ? Enfin, une dernière porte. Il entre. Et constate d'emblée qu'il n'est pas le bienvenu. L'homme est là, à quelques pas, quatre tout au plus. Il est prostré, et tout en lui évoque le refus. Jusqu'à l'odeur. Il est comme statufié. L'ambiance même de la pièce est changée. Avant la porte, ce sont les bruits, les éclats de parole. Le vertige saisit le thérapeute. A quoi se raccrocher ? Des mots, des images lui traversent l'esprit. Dante - vous qui entrez ici abandonnez toute espérance - omega mélancolique - catatonie - impuissance. Que faire ? Que dire ? Se raccrocher, vite, à une idée, un savoir. Alors il note les signes. Et fait le diagnostic : mélancolie. Il a là un bouclier, qu'il croit solide. Alors il parle. Lentement et prudemment, car déjà l'extrême tristesse de l'Homme le touche. Ne va-t-elle pas l'envahir, le submerger et le détruire ? Lui dit la détresse qu'il perçoit. L'aide qui peut être apportée.

Des portes et des couloirs. Encore des portes et des couloirs. Les mêmes hommes. Les mêmes regards. Le thérapeute est sorti. S'en est-il sorti ?

jeudi 13 août 2009

Sol porteur

C'est un enfant de 7 ans et il est assis sur sa chaise. Et il laisse cette curieuse impression de flotter dans les airs. "Une plume, se dit le psychothérapeute, il ne doit pas peser lourd". Il a les jambes qui ne touchent pas le sol, et il les balance. Parfois il les ramasse sous lui. Le psychothérapeute lui a proposé de dessiner. L'enfant a dit "oui" dans un souffle. Et n'a pas bougé de son siège. Le psychothérapeute lui a proposé d'utiliser des objets. L'enfant a dit "oui" dans un souffle. Et n'a pas bougé de son siège. Les propos de la mère lui sont revenus à l'esprit. Le développement "normal" d'un enfant "qui ne dérangeait jamais et qui pouvait rester des heures, tranquille, dans son coin". Le psychothérapeute se rend compte que l'enfant ne lui dira pas "non". Il s'inquiète. S'angoisse. Comment grandir sans cet organisateur ? Comment entrer en relation avec quelqu'un qui dit "oui" à tout - c'est-à-dire qui est dans un mimétisme radical. Heureusement, il dit oui, et fait non. Il lui vient à l'esprit une idée de jeu : il frappe dans ses mains. Clap. Clap. Deux coups. L'enfant regarde avec sa vision périphérique. Il fait :"Clap". Un jeu commence, avec des variations de rythmes et d'intensité. Clap. Clap. Puis on se lancera une boule de pâte à modeler. Loin. Près. A toi. A moi. Faux lancers. Parfois, l'enfant glisse sur le sol, s'allonge sur le dos. N'y a-t-il que le sol qui a les bras assez grands pour le porter ?