jeudi 18 décembre 2008

Des mots à boire

A des moments particuliers de la séance, l'enfant avait pris l'habitude d'aller boire. Le thérapeute entendait le bruissement de l'eau qui coule, s'inquiétait un peu - aurait il le temps de nettoyer l'eau avant de recevoir l'enfant suivant ? - se demandait ce que l'autre pouvait bien bricoler. Les jours où il était « en forme », il mâchonnait un texte de Laplanche - La chambre des enfants. Etait-ce Laplanche ou Pontalis ? Un jour, changement. L’enfant dit qu'il est un bébé, et qu'il a soif. Le thérapeute lui propose un biberon, et l’enfant accepte. Il se love dans ses bras, plante son regard dans celui du thérapeute, et tête. Le thérapeute est aussi surpris qu'ému. Jamais il n'avait rêvé prendre cet enfant dans ses bras, tant il semblait ingrat. L’enfant est repus et fait signe au thérapeute. Il glisse de ses genoux et reste un long moment étendu par terre. Puis il se hisse sur sa chaise et semble attendre la fin de la séance. A la séance suivante, l’enfant a un livre à la main. "Lis" ordonne t-il. Le thérapeute obéit et lui donne une autre tétée.

jeudi 23 octobre 2008

Pas le moment de dormir

Plusieurs fois, le thérapeute s'était assoupi. Et l'enfant lui avait adressé ce mot "pas le moment de dormir". A chaque fois, le thérapeute en avait éprouvé de la culpabilité. Et puis une fois - était il moins fatigué ou plus culpabilisé que d'habitude ? - il était bien réveillé. Et l'enfant lui a fait passer ce mot : "pas le moment de dormir".

jeudi 2 octobre 2008

A ma façon

Il y a eu ce cri, et le bruit de choc. Mais ce dont il se souvient avec le plus de détails, c'est le silence qui a suivi. Un silence très particulier. Et puis après il y a eu d'autres cris, sa tante qui est venue le chercher, le pli des jupes des femmes, et les pleurs de tous. Il y a eu le pin-pon et des cris encore. On l'avait mis dans la chambre, mais par un bout de fenêtre il a vu ce dos blanc, courbé, et puis cette chose que l'on mettait sur le visage de son frère. Il a vu les brancards et il a entendu les pin-pon. Il savait bien que ça finirait par arriver. Il grimpait partout. Depuis, on a peur pour lui. Il n'a plus le droit de rien faire et sur le mur on ne voit plus son frère grandir. Lui se rapproche de l'âge qu'il avait quand... Et plus ça va, plus on dit qu'il lui ressemble en tout, qu'ils sont pareils, où qu'il fera les études qu'il n'a pas pu faire

- C'était sans doute quelqu'un de très bien. Mais peut être peux-tu faire à ta façon ?

- A ma façon, je ne sais pas comment faire.

jeudi 14 août 2008

Tétée de mots

A des moments particuliers de la séance, l'enfant avait pris l'habitude d'aller boire. Le thérapeute entendait le bruissement de l'eau qui coule, s'inquiétait un peu - aurait il le temps de nettoyer l'eau avant de recevoir l'enfant suivant ? - se demandait ce que l'autre pouvait bien bricoler. Les jours où il était « en forme », il mâchonnait un texte de Laplanche - La chambre des enfants. Etait-ce Laplanche ou Pontalis ? Un jour, changement. L’enfant dit qu'il est un bébé, et qu'il a soif. Le thérapeute lui propose un biberon, et l’enfant accepte. Il se love dans ses bras, plante son regard dans celui du thérapeute, et tête. Le thérapeute est aussi surpris qu'ému. Jamais il n'avait rêvé prendre cet enfant dans ses bras, tant il semblait ingrat. L’enfant est repus et fait signe au thérapeute. Il glisse de ses genoux et reste un long moment étendu par terre. Puis il se hisse sur sa chaise et semble attendre la fin de la séance. A la séance suivante, l’enfant a un livre à la main. "Lis" ordonne t-il. Le thérapeute obéit et lui donne une autre tétée.

jeudi 31 juillet 2008

Y es tu ?

Plusieurs fois, le thérapeute s'était assoupi. Et l'enfant lui avait adressé ce mot "pas le moment de dormir". A chaque fois, le thérapeute en avait éprouvé de la culpabilité. Et puis une fois - était il moins fatigué ou plus culpabilisé que d'habitude ? - il était bien réveillé. Et l'enfant lui a fait passer ce mot : "pas le moment de dormir".

jeudi 10 juillet 2008

Dernier rendez-vous

C'est le dernier rendez vous. Après, la longue interruption des vacances. L'enfant a avalé en quelques enjambées l'espace qui sépare la salle d'attente du bureau. Le psychothérapeute l'a suivi lentement, ayant remarqué que lui emboîter le pas ajoutait à sa précipitation. Lorsqu'il arrive dans le bureau, l'enfant joue déjà. Il a en main un personnage et il lui leste les jambes avec une énorme boule de pâte à modeler. " Un bonhomme de pierre " dit-il. Le bonhomme de pierre fait face à de nombreux animaux, et triomphe de tous assez facilement. Les combats font rage sur l'armoire mais ni la griffe, ni la dent n’entame sa cuirasse. Le psychothérapeute parle à l'enfant en mettant l'accent sur cette armure qui semble protéger lebonhommedepierre de tout. Trop tôt, sans doute. L'enfant cesse immédiatement le jeu et place des animaux par terre. Il fait un enclos dans lequel il enferme péniblement quelques animaux et place une famille convenue. Le jeu sonne faux et le psychothérapeute a l'impression que c'est un mouvement défensif contre une intervention mal venue. Il s'en veut et s'enferme à son tour dans des rêveries. Elles le conduisent à la statue de la Liberté, vue la veille sur un magazine pour enfant, et, de là, à l'embouchure de la Gironde. Lorsque son regard se tourne à nouveau vers l'enfant, le jeu du bonhommedepierre a repris sur la commode. Il lui semble bien plus sincère que le précèdent.

" J'ai l'impression, dit le thérapeute à l'enfant, que tu as un peu peur que je te touche trop alors tu fais le bonhommedepierre ". L'enfant sourit largement et acquiesce. Le thérapeute continue, dans cette parole si particulière à la thérapie. Il parle sans savoir ce qu'il va dire. Ou plutôt : il prépare quelque chose à dire, et lorsqu'il parle, c'est une autre parole qui s'impose. Il aime à se dire que, dans ces moments, il est parlé. Il dit a l'enfant : " Le bonhommedepierre, c'est bien, ça protège. Mais comment fait il pour les émotions ? Pour la joie, la colère ou la tristesse ? " Un silence. " Peut être es-tu un peu bonhommedepierre, et que tu ne veux pas trop être touché par les émotions ? "

mardi 1 juillet 2008

Bruits d'histoire

Il y a eu les bruits de moteurs, assourdissants. Et les adultes qui couraient partout. Heureusement, un a eu l'idée de prendre les enfants et les a conduit à la cave. C'était la première fois qu'il voyait un bombardement. Il était plutôt impressionné par la puissance qui se dégageait de ces avions mais il n'avait pas vraiment peur. Quand ils sont sortis, il a surtout vu les vaches éventrées. Après, il s'y est habitué et il ne se souvient pas d'avoir vraiment eu peur. « C'était dans les années 30 » dit son fils, c'était la guerre en Espagne. Mais lui, quand il le raconte, il a peur.

mardi 24 juin 2008

Le Capitaine Achab

Parfois, le thérapeute s'imaginait en un Capitaine Achab. L'idée lui en était venue quand il s'était surpris à penser que certains patients sondaient comme des baleines. Le problème, jamais réglé, est de savoir s'il s'agit d'une plongée calme - auquel cas il faut la laisser se dérouler - ou d'une plongée angoissée. Certains patients sondent brutalement, et profondément, sans que rien ne le laisse prévoir. D'autres sondent par paliers. On les voit un moment entre deux eaux, puis ils disparaissent dans les profondeurs. Il n'était pas tout à fait dupe de cette rêverie : le capitaine boiteux, poursuivant d'une haine implacable quelque chose, toujours là-bas, toujours plus loin. Il percevait le réseau des significations préconscientes - la sonde, la mer, le harpon. En arrière plan, le bateau, et l'équipage - quel groupe interne avait il embarqué en lui ? Mais il se laissait parfois porter par elle, le temps de prendre une décision, ou le temps qu'il fallait au patient pour remonter. En surface, la mer était parfois d'huile, parfois démontée. Mais que lui importait ? N'était il pas le Capitaine Achab ?

mercredi 18 juin 2008

Le traitement psychologique de l'enfant

Victor à Paris et Hans à Vienne ouvrent un nouveau champ : celui du traitement psychologique de l’enfant. L’enfant est reconnu pour avoir un développement psychologique pouvant rencontrer des difficultés, des arrêts, des fixations ou des évolutions pathologiques. Ces avatars nécessitent un traitement spécifique, d’où le développement de professionnels de l’enfance et la création d’institutions spécialisées. A la suite de Itard et de Freud, deux grandes voies de traitement se dessinent. L’une fait la part belle à l’éducation – c’est la voie d’Itard - et propose des orthopédies, des rééducations ou des remédiations. D’une façon générale, il s’agit de fournir à l’enfant ce dont il aurait manqué de par son environnement ou du fait de déficiences. L’autre – c’est la voie freudienne – propose de partir de l’expérience vécue de l’enfant pour traiter les causes psychologiques sous-jacentes.

Des conseils freudiens à aujourd’hui, le traitement psychanalytique des enfants s’est considérablement étoffé. Les psychanalystes ont mieux pris la mesure de la complexité d’une demande de prise en charge d’un enfant qui est un être à la fois en plein développement et dans une situation de dépendance vis-à-vis d’adultes tutélaires. Ils s’attachent à prendre en compte à la fois la « donne » biologique, la « donne » sociologique et la « donne » psychologique. Chaque individu naît en effet avec un patrimoine génétique qui l’avantage ou non, dans un contexte socio-historique qui lui est favorable ou non et chaque individu joue les cartes qui sont les siennes avec plus ou moins de talent. C’est ainsi que l’on voit des personnes tirer un meilleur jeu d’une donne à-priori difficile et d’autres ne pas arriver à faire quelque chose d’une donne qui semblait facile à jouer. C’est à ce jeu du désir, à ce qui le trouble, à ses transmissions, à ses transformations, à ses empêchements que s’intéresse le psychanalyste

mercredi 11 juin 2008

Hans à Vienne

A Vienne, au début de l'année 1908, un petit garçon de 5 ans est pris d'angoisse. Lors de promenades au parc voisin de son domicile, il pleure et souhaite rentrer chez lui. Après avoir eu un bref moment comme motif une inquiétude quant à la présence de sa mère, l'angoisse change d'objet : il a peur qu'un cheval ne le morde. Les parents de Hans sont du cercle d'amis de Freud. Sa mère a fait une psychanalyse avec le fondateur de la psychanalyse, et son père joue fréquemment aux cartes avec lui. De son coté, Freud a offert pour à Hans un cheval à bascule pour son quatrième anniversaire. Né en 1903, Hans est le premier enfant du couple qui aura en octobre 1906 un second enfant. A la demande de Freud, le père note les éléments qui lui semblent significatifs dans le développement de son fils, c'est à dire les éléments qui peuvent venir étayer la théorie freudienne sur la sexualité infantile. Ainsi, les interrogations du petit Hans sur les différences sexuelles et les réponses qui lui sont données sont scrupuleusement notées et rapportées à Freud. Lorsque la névrose phobique éclate, un curieux traitement psychanalytique est mis en place. Freud ne prend directement l'enfant Hans en traitement. Il ne le verra qu'a deux reprises et il préfére s'appuyer sur les "rapports hebdomadaires" que lui livre le père pour lui donner quelques conseils. Hans est au fait les deux hommes parlent de lui et il lui arrive de demander à son père de noter ses propos pour le « Professeur »

Dans « L’analyse d’une phobie infantile », Freud fera le récit de ce traitement particulier, entre la guidance parentale et la supervision. On peut y lire le climat qui pouvait entourer un enfant vivant dans une famille aux idées progressistes dans la Vienne du début du 20ième siècle. Les suggestions, directes et indirectes ne sont pas rares, pas plus que les dissimulations au sujet de la naissance des enfants. Sa mère lui déclare qu’elle a un « fait-pipi » comme lui, il fait face à des menaces de castration « je ferai venir le Dr A.. qui te coupera ton « fait pipi » ! et lorsque le symptôme phobique apparaît pour la première fois, le père suggère immédiatement un lien avec la masturbation « Peut être touches tu avec ta main ton « fait-pipi ? » Il s’en tiendra toujours à la position donnée par Freud : cette histoire de peur de chevaux est une « bêtise », il veut être pris par sa mère dans son lit et il a peur de chevaux parce qu'il était tellement intéressé par le fait pipi des chevaux. Freud suggèrera tout de même au père de commencer à éclairer Hans en matière de choses sexuelles, ce qu’il ne fera pas.

Hans, pourtant, donne une toute autre version que le mythe oedipien que Freud et son père veulent à tout pris lui imposer : un garçon aime sa mère, et souhaite éliminer son père qu’il vit comme un rival. La culpabilité le pousse à penser qu’il pourrait être puni pour ses désirs agressifs. Mais Hans s’étonne : « Pourquoi m'as tu dis que j'aime maman et que c'est pour ça que j'ai peur, quand c'est toi que j'aime ? » demande t il à son père. Ou encore, à son père qui lui dit que la « bêtise » deviendra plus faible s’il ne se masturbe plus, il répond que non seulement il ne le fait plus, mais que « envie et faire n’est pas la même chose ».

Le petit Hans suscite dans la communauté psychanalytique beaucoup d’intérêt .Sandor Ferenzi présente en 1913 le cas d’un enfant dont la phobie serait due à la réprimande de la masturbation. En 1919, Melanie Klein un cas d’analyse d’enfant qui lui vaut son entrée comme membre de la Société Hongroise de Psychanalyse sans supervision. En 1927, Anna Freud publie dans l’IPV Le traitement psychanalytique des enfants. Ses thèses sont à l’opposé de celles de Melanie Klein : elle propose aux enfants une rééducation psychanalytique plutôt qu’une psychanalyse, considérant que les conditions optimales ne sont pas réunies pour appliquer un traitement psychanalytique stricto-sensu : les enfants sont dépendants de leurs parents, leur construction psychique est inachevée, ils sont inaptes au transfert. En France, Jenny Aubry et Françoise Dolto attacheront leur noms a la psychanalyse des enfants.

samedi 31 mai 2008

Victor en amérique

Au milieu de l’été 1800, celui que l’on appelait « l’enfant sauvage de l’Aveyron » est confié à l’abbé Sicard. Le cas passionne les académies, car on y voit l’opportunité, offerte par le hasard, d’étudier la nature humaine et plus précisément de confronter les théories philosophiques de l’époque qui oscillent entre le rationalisme classique – que l’on peut ramasser en un « tout est inné » -et l’empirisme – le développement se fait à partir d’une tabula rasa. Les moralistes sont tout autant intéressés : voilà, (croit on) un enfant élevé en dehors de toute influence humaine, et l’on verra s’il penche naturellement vers le mal ou le bien.

L’abbé Sicard fait appel au chirurgien Jean Marc Gaspard Itard (1774, 1838) pour s’occuper de l’éducation de l’enfant. Celui-ci n’hésite pas a s’opposer à l’autorité d’un Pinel qui avait déclaré devant la Société des observateurs de l’homme en novembre 1800 que l’enfant présentait un idiotisme impossible à soigner. S’inspirant de Condillac et de Locke, Itard se fait fort d’éduquer l’enfant sauvage à l’aide d’une « orthopédie mentale » visant à éveiller le langage et la conscience.

Victor quittera l’institution de l’abbé Sicard pour l’impasse des feuillantines où il y reçoit une éducation spécialisée. La méthode de Itard ne donne pas les résultats espérés. Mais en ce début de dix neuvième siècle, avec ce premier traitement d’un enfant, Itard participe, avec d’autres, à la mise en place de traitements psychologiques des maladies mentales.

En 1837, son élève, E. Seguin, ouvre une école pour idiots à l’hôpital Bicêtre. Il fera, sept ans plus tard, devant l’Académie des sciences, un bilan élogieux de ses propres travaux. Lorsque, pour des raisons politiques, il est obligé d’émigrer pour les Etats-Unis, il y est accueilli par Wilbur qui a pris connaissance de ses travaux et a ouvert trois écoles qui s’en inspirent. Il y meurt en 1880. En Europe, la psychologie commence a s’extraire de la philosophie et bientôt, du refus de l’hypnose va naître la psychanalyse. Entre les deux, comme une charnière, la théorie de J. H. Jackson que Th. Ribot reprend en 1881 : la psychopathologie réalise une désagrégation des fonctions psychique dans l’ordre inverse de leur mise en place ; le nouveau périt avant l’ancien.

En 1894, E. Witmer succède à Cattel à la Pennsylvania University et y enseigne la psychologie de l’enfant pendant un an. Deux ans plus tard, un instituteur propose à E. Witmer d’étudier le cas d’un enfant incapable d’apprendre l’orthographe. Depuis le geste princeps de Itard, les choses, en moins d’un siècle, ont bien changé. Claude Bernard a affirmé l’identité fondamentale du normal et du pathologique (1865), la psychologie de l’enfant s’est développé depuis les premières observations de W. Preyer à Iéna, Taine a proposé une étude du primitif, du malade et de l’enfant, et partout s’élèvent des voix affirmant l’importance du développement affectif de l’enfant (Ribot, Janet, Freud).

lundi 19 mai 2008

Le soin donné aux enfants

Les adultes sont longtemps restés assez inactifs face aux souffrances des enfants. Il faut, par exemple, attendre 1857 pour les conséquences psychologiques des viols sur les enfants soient décrites par Auguste Ambroise Tardieu dans son Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs. Entre la loi de l’Habeas corpus du parlement anglais (1679), et la Déclaration des droits de l’enfant (1959) qui proclame le « le droit à une enfance heureuse »  plus de 300 ans se sont écoulés  durant lesquels les législateurs ont mis en place une série de dispositions visant à protéger, éduquer, instruire et soigner les enfants en prenant de mieux en mieux en compte ce que la situation de petite personne peut avoir de spécifique. Des institutions et des professions spécialisées ont été crées pour répondre à ces besoins.

C’est ainsi qu’en 1760 l’Abbé de l’Epée ouvre une classe pour sourds-muets. Il y enseigne aux enfant une langue gestuelle universelle et travaille au dans laquelle il enseigne une langue gestuelle qui se veut universelle. Il fait partie de ces précurseurs qui travailleront dans l’idée que des personnes considérées comme « idiotes » ou « irrécupérables » peuvent non seulement voir leur situation améliorée grâce à la médiation appropriée mais que ces personnes disposent d’un monde intérieur identique à celui de tous les autres En 1791, l’Assemblée Nationale le fait Bienfaiteur de l’humanité, et décide que les sourds bénéficient des Droits de l’homme

La classe de l’Abbé de l’Epée se développe considérablement. Elle devient Institut des Sourds de Naissance en 1791, et l’Abbé Sicard en assure la direction. Au milieu de l’été 1800, ce dernier se voit confier un enfant très particulier : Victor

mercredi 14 mai 2008

La séance de psychanalyse

La séance de psychanalyse est un lieu et un moment dans lequel chacun est invité à se dégager ces parts de mensonges que nous présentons aux autres et à nous-même. Il ne s’agit pas de s’en débarrasser : elles nous sont utiles et même nécessaires pour vivre au contact des autres. Par exemple, nous sommes amené quotidiennement à dire « bonjour » à des personnes à qui nous ne souhaitons rien de bon et « au revoir » à des personnes que nous ne souhaitons pas revoir de sitôt.

Lorsque nous sommes au cinéma, nous pouvons, en levant les yeux, voir les faisceaux de lumière qui dessinent sur l’écran l’image cinématographique. En nous détournant de cette image nous pouvons remonter les faisceaux jusqu'à leur source. Le travail proposé en psychanalyse est comparable à ce mouvement. Il s’agit de comprendre comment les fils associatifs s’entremêlent pour former une image finale, comment la matière première du psychisme s’agrége et forme pensées et émotions. Au gré du travail thérapeutique, la mise au point se fait plus ou moins près la source lumineuse. Ainsi, peu à peu, patiemment, l’image sur l’écran peut être décomposée, décondensée, et le monde psychique du patient apparaît dans toutes sa complexité. Ou peut être faudrait il dire les mondes, car l’image finale est composée de la superposition d’une succession d’images

Mais ce qui intéresse psychanalyste et patient, c’est moins la source de l’image que la machine qui les produit : l’appareil psychique. Pour cela, l’analyste dispose de deux choses. D’abord de l’attention flottante, qui lui permet d’être également attentif à tout ce que manifeste le patient. Ensuite, de son propre appareil psychique dont il prête une partie de fonctionnement au patient. C’est sur lui que s’appuie, par projection et identification, l’appareil psychique du patient. Et c’est par les échos que les dires et les silences de son patient provoque en lui que le psychanalyste se forme une représentation de son fonctionnement inconscient. Ainsi, le dispositif psychanalytique prend en compte le fonctionnement des deux protagonistes, dans leurs fonctionnements conscients et inconscients. La profondeur de champ que le psychanalyste peut mettre à disposition de son patient dépend de sa formation personnelle. Plus son analyse aura été féconde, plus il pourra mettre son fonctionnement psychique au service de son patient.

vendredi 9 mai 2008

Ecrire l'ordinaire

J’aimerais dire que c’est d’abord à ce public que j’ai pensé pour lorsque j’ai écrit ces « ordinaires ». Il n’en est rien. Je les ai écrits d’abord pour moi, pour m’aider à sortir du tumulte, de la sidération, ou de la séduction qu’opérait et qu’opèrent encore sur moi certaines séances et certains enfants. Je les ai écrits ensuite parce que la fréquentation du newsgroup fr.sci.psychanalyse m’avait fait comprendre à quel point les idées sur la psychanalyse pouvaient être éloignées de ce que le praticien peut expérimenter au jour le jour.

Pourquoi "ordinaire" ? Parce que ce écouter, recevoir des enfants présentant des difficultés psychologiques est l'ordinaire des psychothérapeutes. Certes, chaque psychothérapie est unique, dans les difficultés qu'elle pose ou qu'elle dénoue, dans les angoisses qu'elle rencontre. Mais ce que rapporte chaque patient, c'est son ordinaire. Ce sont des angoisses quotidiennes, ses incompréhensions, ses fantasmes ou ses incompréhension à penser, à rêver... C'est ce qui lui est habituel. Chacun est, dans ses symptômes, aussi difficiles puissent ils être à vivre, comme dans de vieux habits.

Il y a ensuite un régime ordinaire de la psychothérapie. L'enfant sait que le mercredi et le vendredi, il a rendez-vous. Là aussi, il prend ses habitudes, ses marques. Il a sa façon d'entrer dans le bureau, et celle d'en sortir. Certains attendent qu'on leur ouvre la porte - mais n'est ce pas la le métier du thérapeute ? Aider à ouvrir des portes ? - d'autres précédent le thérapeute et s'enferment dans le bureau. La fin du rendez-vous donne parfois lieu a des fuites éperdues, laissant au thérapeute le soin de ranger le chaos méticuleusement semé pendant la séance.

Cet ordinaire, des entrées, des sorties, de ce qui se produit dans la séance, est  le coeur de la psychothérapie.

 

jeudi 8 mai 2008

Comment rendre compte d'une psychothérapie ?

Comment rendre compte du travail de psychothérapie et de cette psychothérapie qu’est la psychanalyse ? Comment rendre compte de ces univers théoriques si complexes, de ces galaxies de pensées échangées et tues, de ces moments d’exaltation ou de profond désarroi que psychothérapeute et patient échangent, évitent, parlent ? Comment rendre compte de ce travail lorsque le psychisme du patient est encore en pleine formation ? Des livres remarquables existent déjà comme le Psychanalyse d'un enfant de Melanie KLEIN publié en 1961. On peut y suivre le travail de la psychanalyste séance après séance, et avoir ainsi une sorte de radioscopie de ce que peut être une psychanalyse avec un enfant. Plus près de nous, La petite "Piggle" de D. W. Winnicott (trad. fr 1988) est organisé sur la même logique : le compte rendu des séances, et le commentaire qu’en fait après coup le psychanalyste. Le spécialiste s’y reconnaîtra sans aucun doute, il pourra, identifié a l’auteur, se dire qu’il aurait lui aussi « fait » ou « donné » cette interprétation, ou il s’étonnera de l’idée qui est venue à ce moment à l’esprit de son collègue. Mais le parent, l’éducateur qui accompagne l’enfant à sa thérapie, ou simplement la personne curieuse de ce type de traitement risque de se décourager devant la somme de connaissances théoriques nécessaires à la compréhension de ce type de livre. Plus ennuyeux encore : il risque de ne pas percevoir l’expérience de rencontre interhumaine qu’est une psychanalyse d’enfant.